Macron, Elon Musk et l'évangile de la technologie

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« Oh Technologie, mon Sauveur! »

Musk et la valeur de l’Homme

S’il y a quelqu’un dont tout le monde parle en ce moment c’est Elon Musk avec son rachat récent de Twitter.

Derrière la figure controversée de l’homme le plus riche au monde, Musk a un palmarès fourni de vraies innovations technologiques: Tesla, SpaceX et plus récemment l’annonce passée relativement inaperçue de sa volonté de créer un « Tesla Bot ». Selon ses inventeurs, ce robot humanoïde, bénéficiant des dernières avancées de l’Intelligence Artificielle (IA) et de la robotique, « a pour but initial de remplacer les humains dans les tâches répétitives, ennuyeuses et dangereuses [comme…] tondre la pelouse ou s’occuper des personnes âgées ».

Lorsque s’occuper des personnes âgées devient « répétitif et ennuyant », on doit s’interroger sur la valeur et la place de l’Homme dans une société de plus en plus façonnée par l’innovation technologique.

Déjà au Moyen-Âge, les chrétiens français avaient compris la nécessité de questionner le développement de la technique et son impact sur l’Homme. Dans son livre publié en 1954 La Technique ou l’enjeu du siècle, le protestant Jacques Ellul l’évoque:

La grande question [ndlr: au Moyen Âge] « Est-ce juste? » est posée à chaque tentative pour changer les modes de production et d’organisation. Or il ne suffit pas que le fait soit utile ou profitable à l’homme pour le déclarer juste: il doit répondre à une certaine conception précise de la justice devant Dieu. Lorsque tel élément technique apparait comme juste à tous les points de vue, alors il est adopté, mais avec quelle prudence!

Nos sœurs et frères chrétiens du Moyen Âge avaient ainsi déjà appris à discerner, à chercher la justice devant Dieu face aux avancées de la technique. Pourquoi avons-nous si vite oublié d’en faire autant?

Sauvés par quoi?

Le 14 septembre 2020, Emmanuel Macron, dans un discours devenu célèbre, déclarait fièrement qu’il « ne croyait pas au modèle Amish ». Il défendait alors les avancées technologiques de la 5G. Derrière cette affirmation, on comprend que le président français est convaincu que la technologie pourra nous sauver face aux nombreux défis du 21ème siècle, dont le changement climatique.

Ancien élève de Paul Ricoeur, Emmanuel Macron aurait dû cependant avoir une meilleure connaissance du protestantisme dont les Amish sont une composante (ils trouvent leurs origines dans l’anabaptisme). La croyance populaire que les Amish sont réfractaires à toute avancée technologique est fausse. Si vous allez en Pennsylvanie vous verrez peut-être des Amish au téléphone.

Dans notre société française poussée par un capitalisme toujours plus agressif, nous partons du postulat que la technologie nous sauvera. Le point de départ est tout autre pour nos contemporains Amish: il existe chez eux une « saine méfiance » de la technologie. Toute technologie nouvelle est discutée en communauté selon quelques principes que le sociologue spécialiste des Amish, Donald Kraybill explique bien:

Lorsqu’une nouvelle technologie apparaît, une communauté Amish peut la rejeter, l’accepter ou l’hybrider. Les Amish veulent que la technologie soit à leur service, plutôt que leur communauté soit au service de la technologie. Ils la scrutent et la remodèlent pour qu’elle serve leur communauté. Ils ont l’œil sur les effets à long terme de la technologie sur leur communauté, leur tissu social et leur avenir.

Sagesse et discernement

Alors il faut l’admettre: trop souvent nous nous sommes enthousiasmés face aux avantages que nous présentent les inventeurs de la technologie, et oublions de penser aux conséquences que celle-ci pourrait avoir sur notre prochain, sur la société, sur nos Églises… et sur notre âme. Ai-je vraiment compris que mon prochain, créé à l’image de Dieu, qui travaille dans une mine en Chine pour extraire des métaux rares souffre quotidiennement de notre dépendance au numérique? Et le Philippin qui modère les vidéos ultraviolentes du bouton « Signaler le contenu » sur Facebook – est-ce que je l’aime comme Jésus me l’a commandé?

Mais que faire? Fermer tous nos comptes sur les réseaux sociaux? Devenir Amish? Revenir au Moyen Âge? De nouvelles technologies numériques ont commencé à apparaitre, comme l’Intelligence Artificielle ou encore le Métavers: quelle sera notre réaction?

Je vais vous décevoir, je n’ai pas encore trouvé la recette miracle. Mais à la lumière de la Bible, je suggère trois pistes importantes pour notre réflexion.

Premièrement, à l’heure du métavers, il est urgent pour nous de comprendre que nous sommes créés à l’image de Dieu (Genèse 1). L’homme, qu’il soit jeune ou vieux, actif ou retraité, a donc une identité et une grande valeur qui ne peut être ignorée. Cette compréhension doit être le point de départ de notre éthique du numérique – une compréhension fortement renforcée par les commandements de Jésus dans Marc 12, que nous Imago Dei devons aimer notre Créateur de tout notre cœur et aimer notre prochain comme soi-même.

Voici le premier: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta pensée et de toute ta force. » Et voici le second: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il n’y a pas d’autre commandement plus important que ces deux-là.

– Mc 12.37-39 NFC

Deuxièmement, dans l’épître aux Romains, l’apôtre Paul nous dit:

Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.

– Rm 12.2 NFC

Face aux avancées technologiques, nous devons discerner intentionnellement avec sagesse. S’inspirer de la recherche de justice de nos frères et sœurs du Moyen Âge, ou mieux comprendre ce que font les Amish peut être intéressant, mais plus encore, nous devons remettre à Dieu l’utilisation d’une nouvelle avancée technologique. Cherchons sa volonté. Je suggère que nous devrions le faire aussi en étant conscient de nos idoles et notamment l’idole du confort omniprésent en France.

Et pour finir, soyons honnêtes: même si nous chantons et proclamons que « Jésus sauve », nos vies affirment le contraire. Nous croyons souvent implicitement que la technologie nous sauvera, nous aidera au quotidien et qu’en attendant que les scientifiques découvrent une technologie pour lutter contre la mort, on mettra notre espérance en Jésus. Or nous devons nous repentir de cela et mettre l’Évangile au centre de nos vies: seul Dieu nous sauve par la mort et la résurrection de Jésus à la croix. Jamais une technologie ne le fera.

Sûrs de notre identité et de notre valeur aux yeux de Dieu, laissons-le renouveler notre intelligence, comme nous le dit l’apôtre Paul, pour discerner avec sagesse l’impact et l’utilité que chaque avancée technologique aura dans nos vies et celles des autres.

Tim K.

Tim est président de BLF Éditions et directeur dans la tech. Il est membre d'un projet d’implantation d’Église à la Croix Rousse à Lyon. Il est marié à Sylvia et ensemble ils ont 3 enfants. Vous pouvez le retrouver sur Twitter ici: Tim (@timkyle) / Twitter.

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